Après avoir été une première fois annulé par le tribunal administratif en 2017 (décision qui a été confirmée en appel), l'encadrement des loyers a de nouveau été mis en place à Paris depuis le premier juillet 2019 en application de la loi Elan.

Cet encadrement s'applique à tous les baux de location à usage de résidence principale (meublés, vides ou bail mobilité) signés depuis le 1er juillet 2019. Sur demande du locataire, il peut également s'appliquer lors d'un renouvellement du bail. Cette demande doit être effectuée par le locataire au moins 5 mois avant la date d'échéance de son bail. Le bailleur dispose alors d'un mois pour proposer un nouveau loyer (avec d'éventuels compléments de loyer).

Il est à noter que ce décret d'encadrement des loyers à Paris se superpose à l'encadrement des loyers à la relocation, qui s'applique dans toutes les zones dites tendues qui doit également être respecté.

Les lecteurs intéressés par les détails sur la législation entourant la fixation de loyer les trouverons ici.

Cette mesure est très populaire, selon un sondage Opinion Way pour le réseau immobilier Orpi publié en juin 2015, 75 % des Français y voient un « bon dispositif pour protéger les locataires ». Cependant, cette mesure souffre de nombreuses lacunes, notamment autour des modalités choisies pour encadrer les loyers qui mettent en doute son efficacité.

Un encadrement mal maîtrisé

Pour obtenir le loyer maximal autorisé pour un logement, il faut obtenir un loyer dit "de référence". Il s'agit d'un loyer par mètre carré qui dépend de la localisation du bien, du nombre de pièces, de l'âge du bâtiment et du statut de la location (vide ou meublé).

En augmentant ce loyer de référence de 20%, on obtient le "loyer de référence majoré" qui est, dans le cas général, le loyer limite à ne pas dépasser.

Encadrement des loyers@2x

Les modalités choisies pour déterminer les loyers de référence entraînent un grand nombre de situations ridicules dans de nombreux cas particuliers.

Les logements sont découpés selon le quartier du bien, son nombre de pièces (1, 2, 3 ou 4 et plus), le fait d'être meublé ou non et l'époque de construction bâtiment (avant 1946, entre 1946 et 1970, entre 1971 et 1990 et après 1990). Ce découpage entraîne de nombreux problèmes, en particuliers aux "frontières".

Des limites liées aux quartiers

Par exemple, sur l'avenue de Choisy dans le 13ème arrondissement, on se trouve à la frontière entre les quartiers "Gare" et "Maison-Blanche". Considérons un appartement meublé de 4 pièces et 100 m² dans un immeuble récent (après 1990). Si cet appartement se situe du côté des numéros paires il se trouve dans le quartier Gare. Son loyer de référence majoré est de 22,10€/m², il ne pourra alors être loué plus de 2210€ par mois. S'il se trouve du côté impaire, il se situe dans Maison-Blanche. Son loyer de référence majoré est alors de 31,60€/m², il ne pourra alors être loué jusqu'à de 3160€ par mois. Soit une différence de 43% sur quelques mètres !

Ce cas est extrême mais il est loin d'être isolé. Des phénomènes similaires se produisent à toutes les frontières entre zones d'encadrement des loyers (les loyers de références ne sont pas définis par quartier mais par zone qui correspondent à plusieurs quartiers regroupés). Il est illustré sur la carte suivante.

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Carte des loyers de références majorés pour les appartements meublés, de 4 pièces et plus, construit après 1990 dans le 13ème arrondissement. On observe de grandes disparités dans les loyers.

Autre problème, les quartiers retenus pour cet encadrement des loyers sont des sous-divisions purement administratives des arrondissements. Ils ne correspondent pas à une réalité du marché de l'immobilier. Un exemple frappant est le quartier "Clignancourt" dans le 18ème arrondissement. Ce quartier est très hétérogène, mais avec l'encadrement des loyers tel qu'il a été implémenté, la limite de loyer est la même pour un appartement situé place du Tertre à deux pas du Sacré coeur que pour un appartement donnant sur le Boulevard Périphérique au niveau de la porte de Clignancourt.

Encadrement des loyers@2x (3)

Des limites liées au nombre de pièces

Il existe aussi des situations aberrantes liées au nombre de pièces. Prenons l'exemple d'un 2 pièces meublé de 45 m², construit entre 1971 et 1990 dans le quartier Arts-et-Métiers (Note : la situation est strictement identique dans les quartiers suivants : Vivienne, Sorbonne, Saint-Gervais, Enfants-Rouges, Mail, Saint-Victor, Archives, Bonne-Nouvelle, Val-de-Grace, Sainte-Avoie). Son loyer est majoré par 45⨉ 30.5=1372€50. Imaginons que ce logement dispose d'une chambre de 8m². Alors, en condamnant cette chambre, on obtient un studio de 37m² qui pourra être loué jusqu'à 37⨉ 39.5=1461€50 !

Et, s'il est possible d'abattre une cloison avec la chambre, on obtient un studio de 45m², ce qui fait un loyer maximal de 1777€50, soit plus de 400€ de différence. A se prix là autant investir dans une masse.

Il est à noter que dans certains quartiers le phénomène inverse se produit. Par exemple, dans le quartier de Belleville, les studios neufs ont un loyer maximal (au m²) moins élevé que les deux pièces. Ce qui est très étonnant car, dans une écrasante majorité des cas, les plus petites surfaces ont des loyers au m² plus élevés que les grandes. Ce genre de phénomène est présent dans 60 quartiers sur 80...

Ces quartiers sont représentés sur les cartes suivantes.

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Les quartiers ou il certains 2 pièces ont un loyer de référence plus élevé que les studios correspondants

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Les quartiers ou il certains 3 pièces ont un loyer de référence plus élevé que les 2 pièces correspondants

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Les quartiers où certains 4 pièces ont un loyer de référence plus élevé que les 3 pièces

Carte des quartiers où il existe au moins une catégorie d'appartements (date de construction, meublé ou non) telle que des loyers de référence d'appartement avec plus de pièces sont plus élevés que les loyers de référence d'appartement avec moins de pièces.

Des limites liées à la période de construction

Un phénomène similaire se produit avec l'âge du bâtiment, où la différence de loyer peut atteindre plus de 30% pour deux appartements identiques construit à une année d'écart. C'est le cas dans les quartiers : Gare, Amérique, La Chapelle, Saint-Fargeau, Villette, Charonne et Pont-de-Flandre, où un logement (3 pièces) construit en 1945 à un loyer de référence 30,7% plus élevé (26,80€/m²) qu'un logement construit en 1946 (20,50€/m²). Ou, dans les quartiers Bercy, Père-Lachaise, Bel-Air et Combat où un logement construit en 1991 pourra être loué 28,3% plus cher (30,80€/m²) que le même logement construit en 1990 (24€/m²). Comme quoi, les retard de travaux peuvent avoir du bon...

Ce phénomène se produit dans tous les quartiers. Les différences maximales entre 2 appartements construits à un an d'écart sont fournies dans le tableau suivant.

On peut voir qu'il y a un minimum une différence de 7,25% entre deux appartements qui n'ont pour seule différence que quelques années.

Encadrement des loyers@2x (1)

Un point sur les compléments de loyer

À décharge, il existe un mécanisme qui, théoriquement, permet pour "des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique" d'appliquer un complément de loyer. Mais, ce mécanisme de complément de loyer est difficile à mettre en place.

Il n'existe pas de référence des éléments qui permettent d'appliquer un complément de loyer.

Aussi, dans l'hypothèse d'un élément pour lequel la possibilité d'un complément de loyer ne fait aucun doute (tel qu'une terrasse ou un jardin par exemple), il n'existe pas de règle qui permette de fixer la valeur de ce complément.

Un bailleur n'a alors d'autre choix que de fixer le dépassement "au doigt mouillé". Puis si le locataire en place estime le complément trop important et saisie la commission départementale de conciliation, le bailleur aura à sa charge de justifier le complément de loyer.

En pratique, il semble que seules les caractéristiques "exceptionnelles" soient retenues par la commission comme justifications valides de complément de loyer. Ce qui veut dire, qu'il n'est vraiment pas sûr qu'un complément de loyer appliqué à l'appartement en haut de la butte Montmartre pris en exemple précédemment soit retenu. Il existe un nombre relativement important d'appartements dans sa proximité, le fait d'être sur la butte Montmartre n'est donc pas exceptionnel.

Pour comprendre pourquoi ce facteur "exceptionnel" est injuste, il faut tout d'abord comprendre comment les loyer de référence est calculé. Ce loyer est fixé par arrêté préfectoral sur la base du "loyer médian calculé à partir des niveaux de loyers constatés par l'observatoire local des loyers". En mathématique, la médiane est la valeur qui permet de couper des valeurs en deux parties égales.

Cela veut dire (en admettant que les loyers de références correspondent exactement au loyer médian ce qui n'est pas le cas) que exactement la moitié des studios non meublés du quartier Clignancourt, construit avant 1946 sont loués moins de 29,80 € (loyer de référence) du mètre carré (Et, donc, la moitié sont loués plus chers).

Afin d'illustrer pourquoi demander un caractère exceptionnel pour un complément de loyer est injuste, considérons un quartier de Paris imaginaire ou il n'y aurait que 100 appartements répartis sur deux zones. Dans la première zone, on trouve 60 appartements avec un loyer de 10€/m². Dans la deuxième zone, parce qu'il sont mieux situés, le loyer avant encadrement des 40 appartements restant est de 20€/m². Si maintenant on applique l'encadrement des loyers à ce quartier, on obtient un loyer de référence de 10€. Cela donne un loyer de référence majoré de 10 + 20% = 12€. Étant donné que 40% des appartements sont situés dans la zone 2, il sera impossible de justifier du caractère exceptionnel. Les propriétaires n'auront d'autre choix, s'ils veulent rester dans la légalité, que d'appliquer un loyer de 12€ ou d'arrêter de louer en résidence principale.

L'utilisation de la médiane pour fixer le loyer signifie donc qu'il devrait suffire, pour justifier d'un complément, de montrer qu'une minorité de logements sur la zone considérée possède cette caractéristique.

La fixation des loyers de référence

On l'a vu, les loyer de référence sont fixés sur les loyers médians par type de bien et par zone. Cependant, ces médianes ne sont pas calculée sur la totalité des logements. L'observatoire des loyers parisiens utilise pour cela un échantillon issu d'un sondage.

Or, pour un certain nombre de situations, l'observatoire des loyers ne dispose pas de suffisamment d'exemple de locations pour pouvoir estimer une médiane fiable. Dans ce cas, un loyer de référence est estimé sur la base de :

  • le nombre de pièces et la surface par pièce
  • l’époque de construction
  • la durée d’occupation du logement
  • le type de gestion
  • la zone

Les détails sur la méthodologie employée sont disponibles ici. Pour les plus matheux, une régression quantile est utilisée pour prédire le logarithme du loyer en fonction du logarithme de la surface, du nombre de pièces et pour chaque zone du type de gestion, de l'époque de construction et de la durée d'occupation.

Cependant, comme indiqué dans le document méthodologique :

Il est fixé un minimum de 15 observations pour pouvoir produire des valeurs prédites.

Or, il semble dans les données fournie par l'observatoire des loyers qu'un certain nombre de cas ne sont pas couverts. Dans ce cas comment sont définis les loyers de référence ?

C'est peut être ce qui explique l'incohérence remontée par l’association Droit Au Logement (DAL) : on limite les loyers à des valeurs plus élevés pour certains studios des quartiers populaires de Belleville, Ménilmontant ou la goutte d’or que dans le 16ème arrondissement...

Des effets pervers

Cette mesure possède de nombreux détracteurs. C'est d'ailleurs suite à la saisie de la justice par la FNAIM (fédération d'agents immobiliers) et l'UNPI (Union Nationale des Propriétaires Immobiliers) que la première mise en application de l'encadrement avait été annulée.

Une diminution du parc locatif

En particulier, il est reproché à l'encadrement des loyer de favoriser la diminution du parc locatif parisien. Il semble certain que cet encadrement à un effet au moins psychologique sur les propriétaires bailleurs. D'après un sondage réalisé par locservice en début d'année, 10% des propriétaires bailleurs annoncent vouloir basculer vers le location touristique. Et, 48% d'entre eux annoncent renoncer à un projet d'investissement ou vouloir revendre leurs biens.

C 'est compréhensible. Du point de vue d'un investisseur dans l'immobilier, cet encadrement des loyers représente une baisse de la rentabilité locative d'un bien. Or, à Paris, la rentabilité locative est déjà faible : entre 2,8 et 3,6 % brut selon les quartiers. Cela signifie qu'il faut louer un appartement entre 28 et 36 ans pour rembourser l'investissement initial (sans compter les travaux et les impôts). Ce que l'on peut comparer à la rentabilité moyenne en France de 5,8%. Cette faible rentabilité est due au prix très élevé à l'achat. Elle pénalise donc les nouveaux investisseurs.

Une baisse supplémentaire aura pour effet probable de convaincre des investisseurs d'acheter dans des zones plus intéressantes financièrement, ou d'acheter mais dans une autre optique que la location. Ce qui participe à l'érosion du marché locatif parisien.

evolutionParcLogement

L'évolution du nombre de logement loué non meublé à Paris. Entre 1999 et 2015, il y a 15,2% de logements non meublé en moins disponibles à la location.

De plus l'encadrement entraîne des incertitudes sur la rentabilité. En particulier, le flou qui entoure les compléments de loyer rend très difficile toute estimation fiable de la rentabilité d'un achat. Si le loyer peut être revu à la baisse par une commission après signature d'un bail, comment s'assurer de sa capacité à rembourser un emprunt ? Cette incertitude aura également un effet très négatif sur les investissements.

La location touristique

En parallèle on peut s'intéresser à l'évolution du marché de la location touristique. Par exemple le nombre d'annonces pour Paris disponibles sur AirBnB :

airbnb

Évolution du nombre de listing à Paris sur AirBnB - On peut remarquer que lors de la précédente application de l'encadrement des loyers le nombre de logement disponibles sur AirBnB à doublé. Il est trop tôt pour mesurer si une telle augmentation se produit depuis juillet, car cela coïncide avec un pic d'activité lié à la période estivale. Source des données : http://insideairbnb.com/

On peut remarquer une corrélation curieuse entre la période 2015-2017 ou l'encadrement des loyers était appliqué et une augmentation du nombre d'annonce AirBnB dans Paris. Sur cette période, le nombre d'offre est passée de 30 000 à plus de 60 000. Il faut toutefois se méfier, il impossible de dire si cette augmentation est directement liée à l'encadrement. De plus on ne peut pas comparer avec d'autre villes françaises, les données pour Bordeaux et Lyon n'étant disponibles qu'à partir de 2018. Néanmoins, en 2016 il y avait 500769 résidences principales à Paris dans le parc locatif privé (source Insee). C'est à dire que les annonces AirBnB représentent plus de 10% du parc locatif !

Si on accepte que l'encadrement des loyers entraîne une baisse conséquente de l'offre, cela ne fera qu'exacerber les causes de la situation actuelle. La cause la plus probable des difficulté de location à Paris:

  • l'augmentation rapide des loyers,
  • la difficulté, en particulier pour les revenus modestes, de trouver un appartement

est le déséquilibre entre l'offre et la demande locative.

Une baisse de l'investissement dans l'immobilier existant

On reproche aussi à l'encadrement de décourager l'investissement dans l'immobilier existant. Dans le cadre de l'encadrement des loyers à la relocation, le fait de faire réaliser des travaux d'amélioration conséquents (d'une valeur d'au moins un an de loyer) permet de fixer le loyer librement (comme pour un logement qui n'a pas été loué lors des 18 derniers mois). Un propriétaire qui ne pourra augmenter son loyer n'aura pas tendance à engager des travaux d'amélioration.

Cette mesure aura aussi un impact environnemental important. Car, à compter du 1er janvier, il faudra également que le logement après travaux respecte des conditions de performance énergétique (consommation énergétique du logement est inférieure à 331 kWh par m²). Sachant que le chauffage représente 41% des émissions de gaz à effet de serre à Paris, devant le trafic routier , ainsi qu'une proportion non négligeable des émissions de particules fines, des investissements en faveur d'une meilleure performance énergétique seraient très bénéfiques pour la qualité de l'air.

Encadrement des loyers@2x (2)

Enfin, un investisseur peu scrupuleux peut facilement s'affranchir des limites imposées par l'encadrement. Il suffit en effet de louer des appartements à peine salubres. Dans ce cas, vu que la demande reste très forte, il trouvera probablement des locataires. Le loyer n'atteindra pas la limite de l'encadrement et il pourra louer son bien sans entraves.

Un effet de hausse sur les loyers les plus faibles

Cette loi a aussi un effet de hausse sur les locataires au loyers les plus bas. En effet, les bailleurs ont la possibilité d'augmenter, de façon potentiellement brutale, les loyers inférieurs de plus de 30% au loyer de référence. D'après l'association Droit Au Logement, cela touche quelques dizaines de milliers de locataires, surtout des locataires assez âgés qui bénéficient d'un loyer bas grâce à leur ancienneté dans leur logement.

Pour une efficacité plus qu'incertaine

L'encadrement avait initialement été mis en place en 2014 en réaction à la très forte hausse des loyers entre 2005 et 2015 (50% d'augmentation d'après la mairie de Paris).

Mais l'efficacité de cette mesure semble, en tout cas pour l'instant, assez limitée. Il semblerait que, après 3 mois d'expérimentation 27% des annonces immobilières ne respectent pas cet encadrement.

Efficacité à faire baisser les loyers

Il semble peu probable que le plafonnement des loyers entraîne une baisse globale. Cela est dû, en grande partie, à la formule utilisée pour l'encadrement. En effet, ce plafonnement ne s'appliquera dans les faits qu'aux loyers les plus élevés. Les deux tiers des loyers qui respectent déjà ce dispositif ne seront pas touchés. Si un bailleur loue son bien sans trop de difficultés, et que son loyer respecte l'encadrement, il n'aura pas de motivation à louer son bien moins cher.

Cette mesure ne sera donc bénéfique que pour la proportion de locataire qui payent les loyers les plus élevés (dans leur catégorie de logement).

Cette mesure sera probablement très défavorable au locataires les plus modestes. Tout d'abord, l'encadrement facilite l'augmentation de loyer, même en cours de bail, pour tous les appartements dont le loyer est inférieur de 30% au loyer de référence. Et une baisse du nombre d'offres signifie également que ces locataires seront en concurrence avec d'autres locataires plus aisés. Ce qui aura aussi pour conséquence de rendre (encore !) plus difficile la recherche d'un appartement à Paris.

Efficacité à prévenir la hausse des loyers

L'efficacité de l'encadrement à prévenir d'une nouvelle hausse des loyers est également discutable.

Un des principaux arguments des défenseurs du plafonnement des loyers est que les nouvelles mises en locations, qui ne sont pas soumises à l'encadrement à la relocation, vont entraîner une augmentation des loyers. Mais si un bailleur souhaite mettre en location un bien plus cher que l'encadrement des loyer, selon toute vraisemblance, il décidera de le louer au loyer de référence majoré. Il est impensable qu'il décide de le louer moins cher que le loyer de référence. Or, toute nouvelle location supérieure au loyer de référence fait mathématiquement augmenter le loyer médian, donc le loyer de référence.

Imaginons un quartiers avec 101 logements. Dans ce cas le loyer médian est le loyer du 51ème logement (trié par loyer). Si maintenant 20 logements plus chers que le loyer médian sont ajoutés, le loyer médian devient le loyer du 61ème logement. Donc le loyer de référence devrait augmenter. En effet, comme l'encadrement est basé sur des loyers médians, il faudrait pour éviter une augmentation du loyer de référence s'assurer que les loyers proches du loyer médian n'augmentent pas, ce qui n'est pas du tout garantie par le décret actuel.

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Une illustration de l'effet de l'encadrement des loyers sur un quartier imaginaire. On observe que l'encadrement des loyers n'a d'effet que sur les loyers extrêmes. Il augmente les plus faibles, et diminue les plus hauts. Mais vu qu'il n'a pas d'influence directe sur les loyers autours du loyer médian, il ne change rien à leur augmentation. Ainsi, le loyer médian augmente à la même vitesse avec ou sans l'encadrement des loyers, donc il n'aura pas d'influence sur l'évolution des loyers.

Lors de la précédente mise en place de l'encadrement, l'observatoire des loyers à rapporté une légère baisse du loyer médian. Maisv vu qu'il semble surprenant que de nombreux propriétaires non concernés par l'encadrement aient décidés de diminuer leur loyer, cette baisse est très probablement le reflet de la non mise en location de nombreux logements concernés par l'encadrement. En effet, si les logements aux loyers les plus élevés disparaissent de l'échantillon (ils ne sont pas mis location) alors mathématiquement le loyer médian baisse.

Cette "baisse de loyer" n'est donc pas une bonne nouvelle pour les locataires.

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L'encadrement des loyers n'a pas d'effet sur le loyer médian. Si ce loyer baisse c'est que des logements ont été retirés de l'offre locative.

Tout au plus, l'encadrement permettra d'éviter l'augmentation sur quelques catégories de logements très particulières, comme les (très) petites surfaces par exemple, qui sont surreprésentées dans les logements qui ne respectent pas l'encadrement des loyers.

Pour prévenir l'augmentation des loyers, il semble qu'un gel des loyers, tel que mis en place à Berlin, serait plus efficace.

Dernière limite, cet encadrement des loyers est mis en place à titre d'expérimentation. Mais, il sera difficile, à l'issue de la période de 5 ans d'évaluer l'impact réel de cette mesure. A quoi pourra-t-on comparer pour mesurer à la fois les effets sur les loyers et sur l'offre locative ? Pour pouvoir correctement évaluer l'impact et l'efficacité de cette expérimentation il faut pouvoir estimer son effet sur :

  • les loyers
  • les investissements immobiliers
  • le parc locatif

Pour cela, il faut pouvoir comparer avec une situation immobilière semblable où l'encadrement ne soit pas appliqué. Ce qui semble compromis.

Plutôt que d'empiler, pourquoi ne pas faire respecter ?

Pour ces raisons, l'encadrement des loyers ne semble pas être la meilleure solution pour réguler l'immobilier à Paris. Nous l'avons vu, cette réforme tient beaucoup plus de l'effet d'annonce médiatique que d'une vrai solution au loyers trop élevés.

Surtout qu'il n'est réellement pas certain que la solution soit dans l'empilage de solutions les unes sur les autres. Il faudrait déjà commencer par faire respecter les lois en places. Il existe déjà plusieurs lois pour encadrer l'augmentation des loyers :

  • l'encadrement à la relocation
  • l'encadrement de la location de tourisme
  • la taxe apparu sur les micrologements
  • la taxe sur les logements vacants

Ces loi semblent cependant très peu appliquées. Ce n'est donc pas l'ajout d'une nouvelle loi (qui ne sera probablement pas plus respectée...) qui va améliorer la situation

Encadrement à la relocation

L'encadrement à la relocation devrait freiner l'augmentation des loyers en zones tendues, et, comme le reconnait la directrice de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne, cette mesure est plus efficace pour "modérer globalement la progression des loyers".

Autrement dit, l'encadrement n'a un effet que ponctuel, sur une petite partie des logements du secteur privé. En revanche, un autre décret a permis de modérer globalement la progression des loyers. Pris annuellement depuis 2012, il limite, dans les zones tendues, les hausses annuelles à l' Indice de référence des loyers (IRL) de l'Insee, lors des relocations. Il est très efficace. L'évolution des loyers est beaucoup plus conditionnée par l'IRL et ce décret que par l'encadrement des loyers. Geneviève Prandi, directrice de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne

Encore faut-il que cette loi soit respectée.

À titre d'exemple, en 2018, 31% des relocations ont vue une hausse de loyer supérieure à l'IRL sans travaux effectué. Ce qui veut dire que près d'une relocation sur 3 est hors la loi. Il serait relativement aisé de contrôler le respect de cet encadrement. L'administration fiscale dispose de la majorité des information nécessaires pour estimer les hausses de loyer.

Si tous les bailleurs respectaient cet encadrement, il serait aussi beaucoup plus difficile pour une nouvelle location de fixer un loyer hors marché. Les locataires comparent les offres, les loyers trop chers auraient donc une vacance locative élevée.

Il est également envisageable de faire rétroactivement respecter cette loi, et de réduire les loyers qui n'ont pas respecté l'encadrement à la relocation.

Législation sur la location de tourisme

Bien que l'augmentation rapide des loyers ait commencé avant l'apparition d'AirBnB, il est également possible d'influer sur la location touristique qui a probablement un impact sur le marché locatif.

Premièrement, il semble qu'un grand nombre de bailleurs ne soit pas très informés de la législation qui entoure la location meublée de courte durée. Beaucoup ignorent qu'il est illégal de louer un logement qui n'est pas sa propre résidence principale sans changement de statut. Si il est possible de louer sa résidence principale jusqu'à 120 jours par an en toute légalité, il faut, pour pouvoir louer un autre logement, faire une demande de changement d'usage. Le logement doit passer de "local à usage d’habitation"  à un local destiné à un "autre usage". Or ce changement est souvent soumis à une compensation. En pratique il faut recréer une surface à usage d'habitation correspondante.

Cette absence de connaissance de la loi est probablement en partie due à l'impunité des loueurs. Les contrôles gagneraient à être fortement renforcée. En 2018 par exemple, seulement 156 appartements parisiens ont été condamnés sur plus de 60000 annonces listées. Ainsi 0.3% des loueurs sur AirBnB ont été condamnés, ce n'est pas très dissuasif.

Or la majorité des biens condamnés (148 sur 156) est revenue dans le marché locatif. Un renforcement et une médiatisation de cette lutte permettrait donc probablement de ramener un grand nombre d'appartements dans le marché locatif.

Pour avoir un ordre d'idée, il est instructif de mettre le nombre d'annonces présentes sur AirBnB en relation avec le nombre de logements qui ont reçus une autorisation pour devenir des locations de meublés touristiques. Ce nombre s'élève à 973. Il est difficile de croire que les 60000 autres offres correspondent toutes à des résidences principales louées ponctuellement. Surtout quand 16 909 annonces sont des logements entiers, disponibles plus de 120 jours par an sur AirBnB.

openDataAirbnb

Nombre de logements ayant une autorisation de locations de meublés touristiques d'une durée supérieure à 4 mois par an pour les résidences principales et pour toute location en dehors de la résidence principale. source : opendata.paris.fr. Cela représente un total de 973 logement pour Paris en 2018 et 2019.

Taxe sur les micro surface

Pour éviter les loyers excessifs sur les petites surfaces il faudrait également faire respecter la taxe sur les loyer élevés, dite taxe "Apparu". Cette taxe, extrêmement dissuasive (en tout cas sur le papier, avec des taux de 10 à 40% sans abattements possibles) est censées s'appliquer à tous les logement de moins de 14m² qui sont loués plus de 42,47 €/m².

Mais dans les déclarations de revenus 2017, seuls 323 contribuables ont rempli cette condition. A titre de comparaison, à date sur l'année 2019, chez louer agile nous avons vus 11258 appartements qui devrait s'acquitter de cette taxe en Ile de France. Une application stricte de cette taxe aurait pour effet de faire drastiquement baisser les loyers des petites surfaces. On peut espérer que cela aura également un effet boule de neige sur les petits appartement possédant une surface supérieure à 14m² car il ne pourront pas être beaucoup plus chers.

Taxe sur les logements vacants

En parallèle, la taxe sur les logements vacants n'est pas très dissuasive. Il y a en 2019, 232000 logements inoccupés à Paris, soit 17% des logements ! Cette taxe ne semble donc pas dissuasive. Pour l'instant elle varie en fonction de l'ancienneté de la vacance (entre 1 et 2 ans). Pour un logement vacant depuis un an, elle s'élève à 12,5% de la Valeur Locative du bien. Puis à partir de 2 ans, il faudra verser 25% de la valeur locative. À titre de comparaison, la taxe d'habitation à Paris s'élève à 13,5% de la valeur locative et la taxe foncière à 8,37%. Il faudrait peut être ajouter des paliers supplémentaire pour les logements vacants depuis 3, 4 ou 5 ans pour rendre la non mise en location de logements vacants beaucoup plus pénalisante.

S'attaquer aux cause de l'augmentation des loyers

Dans tous les cas, il n'y aura pas de solution au problème des loyers parisiens si l'on ne s'attaque pas à la source du problème. Tant qu'il y aura un tel déséquilibre entre l'offre et la demande locative, il sera possible de demander des loyers très élevés. Il faut donc songer à une politique d'aménagement du territoire plus ambitieuse pour s'attaquer à se problème.

Des efforts pour diminuer la pénurie de logements sont en cours, avec entre autre une politique de construction. Mais la ville de Paris n'est pas extensible. De plus, la quasi totalité de la ville est incluse dans le périmètre de monuments historiques. Cela rend difficile les projets urbains.

La pression immobilière ne pourra être soulagée que grâce à la banlieue. Mais cela suppose une offre de transport rapide et fiable. Des efforts dans cet axe sont également en cours avec la construction de nouvelle lignes dans le cadre du grand Paris. Mais, la plupart des nouvelles lignes construites seront de lignes de banlieue à banlieue. Les voyageurs devront alors utiliser les infrastructures existantes s'il souhaitent se rendre à Paris. Des infrastructures souvent décriées sur leur efficacité et leur ponctualité. Il ne faut donc pas négliger l'entretien et la modernisation du réseau ferroviaire existant parfois vétuste, et donc source de pannes et retards.

Conclusion

Il semble donc que l'encadrement des loyers ne sera une mesure ni équitable pour les bailleurs, ni efficace pour protéger les locataires.

Si néanmoins un encadrement DOIT être appliqué, il faudrait utiliser une formule qui colle beaucoup mieux à la réalité du marché immobilier. Il faut bien mieux prendre en compte la localisation du bien, et ne pas se reposer sur des démarcations administratives datant de 1860. Idéalement il faudrait considérer Paris comme un tout, pas comme un puzzle de quartiers et d'époques. A minima, il faut redécouper Paris en "quartiers" qui correspondent à une réalité immobilière.

De la même manière, plutôt que d'utiliser le nombre de pièces, il serait plus judicieux de considérer la surface utile des logements qui a un impact beaucoup plus important dans le loyer. C'est par exemple ce qui est pris en compte pour déterminer le loyer d'un appartement en loi Pinel, ou l'inverse de la surface utile (c'est à dire la surface habitable plus la moitié de la surface des dépendances privatives) est utilisé pour calculer le loyer par m² maximal. Cela a de plus comme intérêt de prendre en compte les terrasses, parking et autres dans le calcul du loyer.

Il faut toutefois respecter la loi, si vous avez besoin d'aide loueragile est là pour vous aider.